François
Salneuve, né à Bussières le 3 janvier
1722 et mort à Aigueperse le 19 décembre 1792,
était écuyer, procureur au bailliage
duché pairie de Montpensier, fermier
général du duché de Montpensier,
premier échevin d'Aigueperse et officier du Point
d'honneur.
En 1748,
il épouse Anne Mallet, née à Riom le 26
mars. 1722. Ils eurent trois enfants
(1)
dont Jean-Baptiste était l'aîné.
Né à Aigueperse le 26 septembre 1750, il a
probablement fait ses études au collège de
l'Oratoire d'Effiat. A la suite de son mariage avec
Adélaïde Charpentier, née le
1er janvier 1722
(2),
fille d'un administrateur de la Compagnie des Indes, il se
fixe à Paris et il y demeurait les premières
années de la Révolution, comme avocat et
chargé du contentieux à la Compagnie des
Indes.
Il
partagea l'enthousiasme de sa génération pour
les réformes utiles qu'elles apportaient et
malheureusement aussi l'illusion de ceux qui croyaient
pouvoir la contenir.
Privé
de son emploi, il se retira dans sa ville natale
d'Aigueperse et demeurait 139 Grande Rue (maison Lem). Il
était aussi propriétaire de bâtiments,
prés vergers, sur la route de Randan (actuellement
ferme Brun).
Il
fut élu commandant de la Garde nationale
d'Aigueperse.
Les
girondins, à qui il appartenait de cur, furent
bientôt débordés, le rôle de
commandant d'une force employée aux perquisitions et
aux arrestations des suspects devint difficile à
remplir pour un honnête homme.
Salneuve
protesta, dans une réunion d'officiers, contre la
perquisition qui venait d'être confiée aux
soins de la Garde Nationale qu'il commandait, chez M.
Arnauld de la Ronzière, son ancien ami (perquisition
ordonnée par Couthon). L'expédition eut lieu
néanmoins et il réussit à sauver son
protégé.
A la
nouvelle officielle de la banqueroute de l'État,
régularisée plus tard par une conversion en
tiers consolidée, Salneuve, atteint dans sa fortune,
ne put contenir l'expression de sa douleur.
Enfin il
éclata lors du coup d'état dirigé, le
31 mai 1793, par les jacobins contre la Gironde, dans un
groupe d'amis, dont la moitié le trahirent. Il
traita, c'est le jugement qui le lui reproche "Marat de
gueux, il dit que la convention n'était pas libre aux
journées des 31 mai, ler et 2 juin ; que
tous les honnêtes gens gémissaient de ces
journées ; qu'il n'y avait de moyen de
délivrer la France de la tyrannie des Parisiens que
de fondre sur Paris". Ainsi il ne s'aperçut de la
portée du mouvement révolutionnaire que quand
il fut blessé dans ses sentiments
généreux, dans sa fortune, dans ses amis, dans
ses opinions.
Arrêté
à la suite de ses courageuses protestations, Salneuve
fut conduit à Riom et emprisonné dans
l'hôtel Chabrol, qui servait alors de maison de
détention, et qui sert aujourd'hui de musée.
Il y tomba malade et obtint l'autorisation de revenir
à Aigueperse et d'y rester sous la surveillance des
autorités.
Le 14
brumaire an II (5 novembre 1793), "le Conseil
général de la commune, considérant que
le citoyen Salneuve a donné par sa conduite en cette
ville depuis le mois de janvier 1791 des preuves de son
civisme, arrête qu'il lui soit délivré
sur le champ, ainsi qu'à son épouse
Adélaïde Charpentier, un certificat de civisme
pour valoir ce que de droit, en conformité avec la
loi du 30 juin 1793".
Mais sa
présence à Aigueperse irrita les jacobins du
lieu qui obtinrent qu'il fut renvoyé devant le
Tribunal révolutionnaire de Paris.
Il y a
cela de remarquable en Auvergne que les montagnards n'ont pu
obtenir des tribunaux de cette province la condamnation
d'aucun girondin. On ne put s'en débarrasser qu'en
les déférant aux juges de Paris ou de Lyon :
les juges du pays étaient eux-mêmes, au fond,
girondins.
Arrivé
à la Conciergerie, Salneuve sollicita sa mise en
jugement immédiat, persuadé que la
république ne condamnerait pas un de ses adeptes les
plus sincères et les plus fervents.
Madame
Salneuve, qui avait accompagné son mari à
Paris pour essayer de le sauver parvint, admirable de
courage, jusqu'à Fouquier-Tinville et obtint de lui
une recommandation pour le substitut de service. Rayonnante
de joie, elle se croyait messagère de salut, alors
qu'elle n'était que le porteur d'un arrêt de
mort (3).
C'était
en effet bien mal connaître l'ignoble personnage
qu'elle venait de rencontrer que de lui faire confiance. La
perfidie de Fouquier s'explique par la circonstance que la
personne qui avait procuré à Mme Salneuve
l'accès du redoutable procureur de la Commune,
passait, à l'insu de sa protégée, pour
entretenir avec Mme Fouquier des relations coupables.
Fouquier se serait vengé à sa façon de
son infortune en envoyant un innocent à
l'échafaud !
Salneuve
fut condamné à mort à l'audience du 27
messidor an II (15 juillet 1794) et guillotiné le
jour même avec Yves-Louis Rollat,
Jean-Sébastien Rollat
(4)
et le maçon Berniaud, ses compatriotes, à la
barrière du Trône.
Il fut
inhumé dans l'enclos des chanoinesses de Picpus,
où l'on enterrait les suppliciés depuis les
premiers jours de messidor ; les autres cimetières
débordant d'infection. En effet, Fouquier-Tinville ;
accusateur public au Tribunal révolutionnaire, par sa
rigueur impitoyable, avait déjà fait tomber 2
585 têtes depuis avril 1793 !
Aigueperse,
le 23 février 1989,
Pierre LACOUR
NOTES
:
(1)
Le deuxième enfant de François
Salneuve fut Claudine Salneuve, née à
Aigueperse le 5 juin 1753. Elle, était mariée
à Jean-Baptiste Maximilien Desliens, docteur en
médecine de la Faculté de Paris, qui fut maire
d'Aigueperse du 13 novembre 1791 au 3 octobre 1794.
Le troisième était Jacques Salneuve, né
à Aigueperse le 21 mai 1756. Prêtre, bachelier
de Sorbonne, chanoine et député du chapitre de
la Sainte Chapelle d'Aigueperse. Il fut nommé
aumônier de la Garde nationale ; puis curé de
Dallet, enfin premier maire de Bussières,
après avoir épousé Anne Larzat de
Montpensier. Il est mort à Bussières le 28
février 1823 et y est enterré.
(2)
Ils eurent un fils, Antoine Salneuve,
né à Aigueperse le 16 juillet 1792 (il avait
donc deux ans lorsque son père fut guillotiné)
qui fut juge de paix du canton d'Aigueperse et
administrateur de l'hôpital. Il épousa en 1814
Françoise-Fanny Gilhard, fille de Mathieu-Marie
Gilhard, avocat au Parlement, juge de paix du canton
d'Aigueperse et de Marie Chollet-Beaufort (son père,
Pierre Chollet-Beaufort, né à Aigueperse le 31
janvier 1752, était avocat au bailliage de
Montpensier en 1793, administrateur du district du
département du Puy-de-Dôme,
député au conseil des Cinq-Cents, puis au
Corps législatif, de l'an VIII à 1802).
Antoine Salneuve et Françoise Fanny Gilhard eurent
deux fils :
- Auguste Salneuve, né à Aigueperse le 15
janvier 1815, vice-président du Tribunal civil de
Clermont, président du Conseil général,
député et sénateur du Puy-de-Dôme
(voir Sparsae n° 3, P. 27).
- Victor Salneuve, homme de lettres, ami de Béranger
et de Lamartine, qu'il recevait fréquemment au
château de Lieu-Choisy, à Vensat.
Victor resta célibataire et Auguste eut une fille,
Élise, qui épousa le commandant Montprofit,
mort à Lieu-Choisy en 1929 sans avoir eu d'enfant.
Ainsi s'éteignait cette branche de la famille
Salneuve.
(3)
D'après l'histoire des tribunaux
criminels de Marcellin Boudet, Mme Salneuve, après
cette terrible déception, eut un tel chagrin qu'elle
en "développa un anévrisme dont elle mourut",
ce qui est faux. En effet, le 4 mars 1798, elle se remarie
à Aigueperse avec Georges Salneuve, cousin germain de
son premier mari et tuteur de son fils Antoine. Elle mourut
à Aigueperse le 11 janvier 1809.
(4)
Yves-Louis Rollat habitait le château du
Chancel à Vensat. Il était secrétaire
du Roi et lieutenant général de police au
bailliage de Montpensier. Il était également
propriétaire d'une grande maison à Aigueperse
: le presbytère actuel. Il fut condamné
à mort en tant que royaliste et aristocrate. Son
frère, Jean-Sébastien, habitait Aigueperse. Il
fut condamné à mort pour refus de porter la
cocarde et pour avoir fait passer de l'argent aux
émigrés.
BIBLIOGRAPHIE :
- Les Tribunaux criminels et la justice
révolutionnaire en Auvergne, par Marcellin Boudet
(1873).
- Archives de la Préfecture de Clermont.
- Dictionnaire des condamnés à
mort.
- Notes inédites fournies par la famille
Salneuve.
- Archives de la mairie d'Aigueperse.
- Notes de M. Arsène Perrin.