Les création de la Place d'Orléans
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LA CRÉATION DE LA PLACE D'ORLÉANS EN 1773,
ou comment avec deux siècles d'avance, la ville d'AIGUEPERSE utilise des "T.U.C." *

L'originalité de la création de cette place est bien le fait qu'elle répondait à deux besoins : embellir la cité, et d'autre part utiliser des gens sans travail, dont l'inaction pèse sur le bon fonctionnement de la société.

En effet, nous sommes au printemps 1773, la période de soudure entre les deux récoltes est encore plus difficile cette année là.
Il s'agit d'une de ces crises de subsistance, qui vont secouer l'Auvergne tout au long du XVIIIème siècle. Mais, en 1773, plus que la faim, c'est l'épidémie qui a désorganisée les familles ; petite vérole et dysenterie ont fait nettement augmenter la mortalité dans toute la basse-Auvergne.
(1) Les pauvres voient leur nombre grandir, et les moyens de les secourir s'amenuisent. Aussi, la municipalité d'AIGUEPERSE s'engage à réagir, comme en témoigne le registre de délibérations des Consuls à l'année 1773.

Une demande avait été formulée en début d'année, afin de créer un atelier de charité, chargé de soutenir et d'encadrer ces "nouveaux pauvres".

Cette demande fut transmise à l'intendant de MOULINS, dont dépendait administrativement AIGUEPERSE par l'intermédiaire du subdélégué CULHAT. (2) L'intendant en fit une expédition au Conseil de Son Altesse Sérénissime, Monseigneur le duc d'Orléans, qui était Seigneur d'AIGUEPERSE en tant que Duc de MONTPENSIER.

Au cours de la séance du 29 avril, le Duc consent à aider ce projet, tout en demandant des détails sur les futurs aménagements. Il réclame aussi des précisions sur une autre requête, concernant celle-ci, la démolition des fortifications de la ville qui sont en mauvais état, et qui gênent l'expansion du bourg. (3)

Le Duc s'inquiète également, des travaux à prévoir pour la réfection des chemins amenant à AIGUEPERSE, et en particulier sur celui qui va à RANDAN, et qui longe le mur du Parc de Monseigneur le Duc.

A la suite de ces remarques Monsieur le Maire et ses Consuls se réunissent le 2 mai 1773, en présence de Messieurs les Officiers du bailliage, et du procureur général fiscal CULHAT qui est donc l'intendant subdélégué pour AIGUEPERSE. C'est lui qui ouvre la séance, en annonçant que l'intendant de MOULINS vient de disposer d'une somme de 1000 livres en la faveur des habitants d'AIGUEPERSE pour la création d'un atelier de charité.

Cette somme restant insuffisante il précise : "qu'il espère du zèle de Mrs les Maires et Échevins qu'ils voudrions bien engager ceux des habitants qui seront les plus commodes à contribuer de leur côté par quelques faveurs à augmenter le fonds que Monseigneur l'intendant a bien voulu leur accorder, que la contribution volontaire qui sera faite fournira des moyens d'étendre les réparations et de faire subsister plus longtemps les pauvres dont le soulagement les occupent aujourdhuy principalement, qu'elle sera de plus un motif pour engager mondit seigneur l'intendant à accorder dans la suite de nouvelles graces à la ville, et à favoriser par ce moyen son embellissement par Mrs les Officiers municipaux". C'est ce que nous appellerions en termes plus contemporains, devoir montrer la réalité de sa motivation, et son esprit de solidarité.

La mise au point des travaux, et leur description suivent ensuite le discours du subdélégué. Le terrain concerné est celui situé devant l'hôpital, depuis le mur des religieuses de Sainte-Ursule, au nord ; jusqu'à la rue de l'hôpital au sud (4) ; et, à l'est, côté ville, les jardins seront alignés, afin de donner une meilleure ordonnance au projet le long du ruisseau, ancien fossé de ville. Un aqueduc ou "petit canal" traversant les emplacements devra être recouvert.

Tous les détails semblaient réglés, la séance arrivait à sa fin, lorsque le Sieur Jacques VOIRET, propriétaire du jardin donnant sur la future place, arrive au milieu de l'assemblée. Jacques VOIRET, Docteur en médecine, était un personnage très estimé, né à AIGUEPERSE en 1713, fils de médecin, mais aussi père et grand-père de médecin, ce respectable Aiguepersois n'affiche pas d'opposition au projet. Il donne son accord, à condition cependant qu'un droit de passage pour voiture lui soit conservé. En échange de quoi, le dit VOIRET s'engage "d'entretenir à ses frais une barrière dont il aura la clef, de tenir l'allée propre et de faire construire un pont de communication pour entrer sur son terrain". La famille VOIRET logeait à l'emplacement de l'école Saint-Louis.

Place d'Orléans

C'est pour cette raison, qu'il existe un grand portail aujourd'hui bouché, dans le mur de l'actuelle salle de sport du collège Saint-Louis. Ce porche fut construit en 1775, selon l'inscription de la clé de voûte, dans la foulée des travaux.

En face de cette porte, le petit mur qui ferme la place était ouvert. Il n'a été clos qu'en 1946. L'ancienne halle au beurre, devenue salle de gymnastique sera construite postérieurement et amputera une partie de la surface primitive de cette place, et il en sera de même avec la moderne salle polyvalente.

Il faut donc considérer la création de 1773, comme une place encore plus vaste que celle que nous connaissons. L'assemblée évoque aussi la possibilité d'employer la main d'œuvre de l'atelier de charité à la réfection du chemin qui va à RANDAN, et en particulier le long du mur du Pré-Monsieur, qui est encore à cette époque le Parc de Monsieur le Duc d'Orléans. Le Corps de Ville d'AIGUEPERSE, avait désormais un solide projet pour "employer les pauvres d'une manière utile à la ville".

Après ces délibérations municipales, dont le compte rendu a été envoyé au Duc d'Orléans, le conseil du Duc donnera son approbation complète au projet dans sa séance du 4 mai. Le 6 mai, par retour du courrier, les autorités Aiguepersoises se réuniront à nouveau pour prendre en compte cette décision approbative de Philippe d'ORLÉANS, et commencer au plus vite les travaux.

La célérité avec laquelle cette initiative a été mise au point est tout à fait remarquable. L'affaire va être conclue entre le 29 avril et le 6 mai, à l'aide de deux aller retour AIGUEPERSE-PARIS, qui doivent correspondre chacun à seulement une journée de cheval. Le courrier part le 4, et il est de retour le 6, en ayant transité par le Conseil du Duc. Les intendants possédaient un service de courrier rapide, afin d'être en liaison dans les délais les plus brefs avec PARIS. Et aujourd'hui, nous parlons de lenteurs administratives...

Dans sa lettre approbative aux Consuls, le Sieur TASSIN DE VILLEPION, intendant des finances de S.A.S. le Duc d'ORLÉANS, précise qu'il ne pourra être question d'ouvrages de maçonnerie mais seulement de remuer des terres. Il faut comprendre ici, une double volonté : ne pas confier un travail spécialisé à des gens qui ne le sont pas, et, ne pas créer de préjudices à des entrepreneurs locaux.

A cette condition, et sous réserve de ses droits, le Duc consent que les Consuls et habitants de la ville d'AIGUEPERSE fassent aplanir le terrain désigné, et qu'ils procèdent à des plantations d'arbres, afin que ce lieu puisse servir de promenade publique.

En conclusion de cette affaire, la municipalité d'AIGUEPERSE, outre un envoi de compliments au Duc, enverra une lettre de remerciements à l'intendant de MOULINS, et une autre au conseiller Ducal TASSIN DE VILLEPION qui avait su faire diligence dans cette affaire.

Et, c'est ainsi que cette place, si utilisée de nos jours, prendra le nom de place d'ORLÉANS, du fait de cette autorisation d'aménagement, donnée par le Duc Philippe d'ORLÉANS, en la séance de son Conseil, au Palais Royal à PARIS, le 4 mai 1773. (5)

Olivier PARADIS
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NOTES :
* T.U.C. : Travaux d'Utilité Collective

(1) : Abel POITRINEAU, "la vie rurale en Auvergne au XVIIème siècle", tome 1, p 97, P.U.F. 1965. Le fait de créer des ateliers de charité dans le but de soulager la misère, et d'utiliser cette main. d'œuvre pour des ouvrages publics, n'a rien de nouveau. Le procédé a déjà été utilisé lors de la grande crise de 1740.

(2) : Le procureur Général Fiscal CULHAT, avait le rang d'un sous-préfet actuel, pour le bailliage d'AIGUEPERSE. Son action va marquer fortement la vie de la cité, et un certain renouveau d'activités, jusqu'à la révolution.

(3) : Les habitants d'AIGUEPERSE ont finalement eu gain de cause. Ils feront démolir les fortifications de la ville en 1778-1783. Ils firent si bien, qu'aujourd'hui il ne reste pratiquement plus de traces de ces murs qui avaient tant coûté aux Aiguepersois, et qui firent la gloire et la réputation de la cité pendant des siècles.

(4) : La maison des MONTANIER, était le bel hôtel particulier, reconstruit par l'intendant François COUSIN au XVIIème siècle, situé au n°119 grande rue et dont le jardin situé à l'arrière fait l'angle du boulevard et de la rue de l'hôpital. C'est l'ancienne maison du marchand de vins JULLIARD. Quant à M. MONTANIER, il s'agit d'un personnage bien connu, avocat au bailliage de MONTPENSIER, et surtout le père naturel du poète Jacques DELILLE.

(5) : Le Duc d'ORLÉANS dont nous parlons, est en fait Louis-Philippe d'ORLÉANS, dit le Gros, 1725-1785. C'est le petit fils du régent, Philippe d'ORLÉANS qui gouverna la FRANCE pendant la minorité de Louis XV 1715-1723. Le père du régent était MONSIEUR, frère du roi Louis XIV, qui avait hérité des biens et des titres de sa cousine germaine : la Grande MADEMOISELLE, Duchesse de MONTPENSIER.
C'est ainsi que le titre de MONTPENSIER est entré dans la famille d'ORLÉANS. Le fils de celui dont il est question dans cet article, deviendra Louis-Philippe Égalité, votera la mort de son cousin Louis XVI, et sera lui aussi guillotiné.
Son fils lui survivra et deviendra Roi des Français sous le nom de Louis-Philippe 1er. Tous ces personnages ont porté le titre de Duc de MONTPENSIER, jusqu'à la famille actuelle du Comte de Paris.

SOURCES :

- Archives Municipales d'AIGUEPERSE, registre des délibérations des Consuls, année 1773, pages 39 à 43.

Porche du collège Saint-Louis
Porche du collège Saint-Louis donnant sur la Place d'Orléans.


Source : "SPARSAE n°11 - mars 1987" Association Culturelle d'Aigueperse


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