Origine
des pigeonniers :
Le nombre
de pigeonniers et leur variété conduit
à s'interroger sur leur ancienneté. Les
romains, et plus proche de nous les gallo-romains,
utilisaient les pigeons pour leur chair et leur fiente mais
aussi pour porter des messages. Cette fonction de courrier
fera du pigeon un instrument de pouvoir, et cela explique en
grande partie le privilège de colombier
accordé aux nobles durant l'époque
médiévale. Les messageries seigneuriales et
royales monopolisaient le droit de possession de colombier,
se conservant ainsi l'avantage de déguster sa chair
fine, et de profiter de son engrais naturel. La
différence d'évolution entre la France du Nord
(Oil) et celle du Sud (Occ) va être aussi marquante
sur le développement des pigeonniers.
Dans le
Nord, le privilège du droit de colombier aux
autorités civiles et religieuses qui avaient la
responsabilité des messageries, semble avoir
été appliqué de manière stricte.
Cela expliquerait le nombre moins important de colombiers
dans la moitié Nord du moins jusqu'à
l'époque moderne.
Dans
le Sud, l'influence du droit romain sur le respect de la
propriété individuelle, et les habitudes
culinaires de la population ont agi pour une plus grande
présence des pigeonniers, y compris dans des
propriétés non nobles.
A partir de la Renaissance, il semble que cet apanage la
noblesse tende à s'estomper.
Les grands domaines, fiefs ou non, laïcs ou religieux,
s'équipent quasi systématiquement d'un
colombier au cours du XVIIème
siècle.
Au milieu du XVIIIème siècle, les
rapports des intendants envoyés à Versailles
recensent quarante mille pigeonniers sur toute
l'étendue du royaume. Ce chiffre impressionnant
ramené au nombre de paroisses (communes) ne
correspond qu'à un peu plus d'un pigeonnier par
commune (36000). Malgré un certain essor, la
possession d'un pigeonnier reste encore à cette
époque un privilège.
Les plus anciens de ces pigeonniers vont logiquement se
situer dans des bâtiments appartenant à des
nobles ou sur des terres relevant d'eux. A Maringues, il
existe un pigeonnier sur pilotis daté de 1665 sur un
domaine en fief. A Effiat, le colombier des Oratoriens
(propriété Passefont) est mentionné sur
un plan de 1667.
Mais,
l'immense majorité de ces constructions est datable
du XIXème siècle. Certains
possèdent une date peinte sur un enduit ou
taillée dans la pierre d'un linteau 1804, 1812, 1857,
1884... Après cette dernière date, il
semble que l'édification des pigeonniers ait
cessé.
En effet,
les raisons de d'être ces édifices
disparaissent :
Les
raisons d'être du pigeonnier en Limagne
De la
crise du phylloxéra à l'abandon des
colombiers.
Lorsqu'en
1884, le phylloxéra touche le vignoble
français du Languedoc et du Bordelais, les
viticulteurs auvergnats sourient car ils se croient à
l'abri du fléau. Mal leur en pris, car en 1886, leurs
vignes seront détruites, au moment où les
autres régions commencent de se relever grâce
aux plants américains prenant par
là-même les marchés
auvergnats.
Le
vignoble disparaît en Auvergne et avec lui sont
abandonnés une partie des colombiers. Utilisée
avec parcimonie, car elle aurait "brûlé" la
vigne, la colombine était un engrais naturel
formidable. La venue des engrais artificiels plus faciles
d'emploi signe l'arrêt de mort définitif des
pigeonniers.
Du
colombier auvergnat à la corderie de Rochefort sur
Mer.
A priori,
le rapport n'est pas évident mais il est pourtant
réel.
En effet,
la culture du chanvre était prospère en
Auvergne et les rouissoirs nombreux. Or, ce chanvre qui
demandait une culture soignée avec beaucoup
d'engrais, constituait l'une des utilisations principales
pour la colombine. Le chanvre d'Auvergne était plus
que réputé. Son utilisation était
exclusive à la corderie royale de Rochefort qui
équipait en cordage tous les bâtiments de la
Marine depuis le XVIIème siècle
jusqu'en 1926.
La fin des
pigeonniers
La vigne
et le chanvre, voici les raisons pour lesquelles notre
Limagne d'Auvergne est la plus riche en pigeonniers. Ces
deux cultures étaient les plus intéressantes
pour l'agriculteur, qu'il soit modeste ou important car elle
lui procurait un bénéfice plus fort et plus
stable que les céréales ou les
légumes.
Aujourd'hui,
même si la culture de la vigne ou du chanvre revenait,
les engrais artificiels remplaceraient la colombine. Donc,
nos pigeonniers n'auront plus de pigeons ; mais est-ce une
raison pour ne pas entretenir ces édifices
?