Le
château de VENSAT fut surpris par le Capitaine CHANOT
et tomba aux mains des ligueurs. AIGUEPERSE demanda du
secours aux Seigneurs voisins pour reprendre ce fort.
Aussitôt Messieurs de CHAPPES, de SAINT HYLAIRE, de
BRISSAC, de BRAGUES et autres Capitaines vinrent avec 600
hommes pour aider les habitants d'AIGUEPERSE. Le
château fut surpris ; cette expédition
coûta 1200 livres à la ville.
Après
cette entreprise, Monsieur d'EFFIAT partit pour aller au
camp de son Altesse le Comte d'Auvergne. Monsieur de CHAPPES
vint reprendre le commandement d'AIGUEPERSE.
Par
lettre du 27 septembre 1591, Charles de VALOIS
écrivit aux Consuls :
"L'ennemy approche, je suis très assuré
qu'il va s'emparer de votre ville et du château de
MONTPENSIER. Je vous envoie Monsieur de CHAPPES avec sa
compagnie pour vous défendre ; j'ai ordonné
son entretien avec les deniers de sa Majesté, vous ne
fournirez que le logis, ce qui ne sera que pour peu de
temps".
Monsieur
de CHAPPES amena avec lui une compagnie de 100 arquebusiers
et 60 cuirassiers et mit tout en uvre pour fortifier
la ville ; il fit nettoyer les fossés, dresser un
éperon à la porte des Bouchiers (de saint
Nicolas ), abattit quelques granges, colombiers, vergers,
jardins, d'un revenu de 1.200 livres pour établir une
esplanade depuis le pré de Monsieur de MONTPENSIER
jusqu'au Buron traversant la ville au quartier de la
Chaussade.
Bientôt
après, Monsieur de CHAPPES fut appelé à
CLERMONT. Le Comte d'Auvergne écrivit à ce
sujet, le 24 octobre 1591, une nouvelle lettre aux consuls
où "il leur mande qu'il a retenu Monsieur de
CHAPPES pour 3 jours à cause des vendanges et qu'il
le renverra au plus tôt. Il leur ordonna de faire ce
qui sera nécessaire pour leurs fortifications et
d'avancer leurs vendanges". Monsieur de CHAPPES en
partant d'AIGUEPERSE, n'y avait laissé qu'une
garnison de 20 arquebusiers.
PRISE
D'AIGUEPERSE
PAR LE DUC DE NEMOURS, CHEF DE LA LIGUE.
En
ce temps là, arrivait en Auvergne à la
tête d'une grosse armée un des plus fameux
chefs de la Ligue qui aspirait, dit-on, au royaume de
France, Charles Emmanuel 1er de SAVOIE, duc de
GENEVOIS et de NEMOURS. Il s'était installé
à VIC LE COMTE qu'il venait de prendre par force.
Dès qu'il fut informé de la retraite de
Monsieur de CHAPPES et de la faible garnison qui restait
dans la ville, il envoya des troupes investir AIGUEPERSE.
Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1591, le duc de NEMOURS se
présenta devant la ville avec son artillerie pour
l'assiéger, si elle ne se rendait. Les habitants,
après avoir pris avis des gens de guerre qui
restaient dans la ville, envoyèrent à ce
prince des députés pour traiter avec lui. Les
articles de la Capitulation signifiaient. que le duc de
NEMOURS n'entrerait pas dans la ville, qu'il passerait outre
sans y faire aucun acte d'hostilité et sans y laisser
de garnison, à condition que la ville lui fournisse
la somme de 6.000 livres.
Sur ces
conventions, le duc de NEMOURS quitte AIGUEPERSE et va
s'emparer le même jour, 28 octobre, du château
de MONTPENSIER qui lui est rendu par le capitaine
POULIGNAT.
Il vint
coucher avec son armée dans les faubourgs
d'AIGUEPERSE et les environs. Le lendemain 29, il demanda
à entrer dans la ville, feignant qu'il voulait
simplement la visiter et qu'il en partirait aussitôt.
Il y entra en effet avec les capitaines et seigneurs de sa
suite et alla loger au château de la ville. Il y
séjourna 3 jours avec une partie de ses troupes qui
vécurent à discrétion, commirent des
pillages et des vexations de toutes sortes. Malgré
ses promesses, à son départ, le duc laissa
dans la ville les capitaines BARNOULLET, ROSEAU, NORMAND,
BOURDENACHE, ROZAN, et BRIMANLIEN avec leur compagnie de
chacune 50 arquebusiers. Il établit Monsieur
ROCHEFORT D'ALLY, gouverneur de la ville avec sa compagnie
de 30 cuirassiers ; il laissa également une forte
garnison au château de MONTPENSIER qu'il
renforça avec le régiment de la CASTILLIERE et
celui de MORTILLY. Le 30 octobre, la ville députa
à Monsieur d'ALLY gouverneur, quelques habitants pour
le prier de contenir ses troupes. Celles-ci pendant 3 mois,
se livrèrent à toutes les violences,
pillèrent les habitations, incendièrent une
partie des faubourgs, firent détruire les maisons les
plus élevées, sous prétexte qu'elles
servaient de fortifications ; ils profanèrent
même les cimetières ; les sépultures
furent ouvertes, les bières et les corps morts en
furent exhumés pour faire des remparts et des
tranchées. (dans un état des maisons de la
ville qui avaient été ruinées par la
garnison en 1591 et 1592, il est dit que la Maison du
Collège de la ville, au quartier du Bourg, sise sur
la grand'rue du côté jour, composée de
chambres hautes et basses, d'une boutique et d'un grenier, a
été ruinée de fond en comble, sans
qu'il y soit demeuré aucune chose).
Bien que
le duc eut violé sa promesse, les habitants lui
payèrent la somme de 5083 livres, NEMOURS leur fit
remise du reste. Il rançonne ensuite VIC LE COMTE de
2.500 écus, prend le château de RANDAN, bat une
armée royale à SAINT POURCAIN, puis quitte
l'Auvergne. Il y reviendra pour prendre AMBERT, tandis que
son frère Saint SORLIN pille HERMENT et
MANZAT.
CHAPPES
se fait tuer devant LEZOUX. Le marquis d'ALLEGRE gouverneur
d'ISSOIRE, attaque sans résultat les villes ligueurs
de SAUXILLANGES et de SAINT GERMAIN LEMBRON, mais il est
assassiné avec son amie Madame
d'ESTREES.
Après
l'abjuration d'Henri IV, la ville de RIOM qui subit les
affres de la famine le reconnaît comme roi (avril
1594), tandis que quelques ligueurs se retranchent encore
à TOURNOËL.
REPRISE
D'AIGUEPERSE PAR CHARLES DE VALOIS,
ROYALISTE.
La
ville ne fut délivrée de l'oppression du duc
de NEMOURS que pour tomber dans de nouveaux malheurs. Le
comte d'Auvergne vint devant AIGUEPERSE avec 1.200 hommes
pour reprendre la ville. Dans la nuit du 28 au 29 janvier
1592 il la reprit par escalade et la réduisit sans
aucune résistance. Ayant fait évacuer la
garnison de Monsieur d'ALLY, il y séjourna 9 jours
avec ses troupes ; il défendit à ses soldats
le sac et le pillage de la ville.
|
Il
ordonna aux habitants de lui fournir promptement
3.660 livres pour distribuer à ses
soldats.
Les
consuls ayant répondu que les habitants
étaient dans l'impossibilité de
fournir une telle somme, le comte fit arrêter
sur le champ les principaux notables : Vincent
DEGANS, Claude COUSIN, Martin AGIER, Jacques
DANTHAN, Jacques CULHAT, les frères Olivier
et Jacques JOBERT, Laurent MANTEIGE et les fit
jeter en prison.
La
ville fut à nouveau pillée, et les
meubles emportés à GANNAT, MARINGUES,
CLERMONT.
Les
prisonniers prièrent les consuls de bien
vouloir lever sur tous les habitants leur
rançon.
Les
consuls n'y consentirent qu'à condition
qu'ils garantissent le corps commun des habitants,
des sommes qu'ils paieraient pour eux
(délibération du 1er
février 1592).
Le
comte d'Auvergne passa outre à cette
requête et enleva les prisonniers qu'il
distribua à ses
officiers.
|
LIBÉRATION
DES PRISONNIERS.
Il
délivra Martin AGIER pour gage de 400 livres à
Monsieur de SAINT HYLAIRE - Jacques DANTHAN pour gage de 400
livres à Monsieur de LEVISTON, Maître de camp,
gouverneur d'AIGUEPERSE - CULHAT et MANTEIGE pour gage de 60
livres au sieur de VILLEMIN.
Il se
réserva DEGANS, COUSIN, Jacques et Olivier JOBERT,
pour la somme de 2.800 livres, les emmena à MARINGUES
où il les délivra à des marchands qui
lui comptèrent les 2.800 livres qu'il distribua
à ses soldats. Les prisonniers ayant satisfait pour
recouvrer leur liberté aux sommes que chacun devait
payer, le comte rendit une ordonnance le 6 mars 1592 portant
que la somme de 3.660 livres serait imposée sur tous
les habitants taillables de la ville et prestement
levée pour payer les 860 livres utiles à la
délivrance des dits DANTHAN, AGIER, CULHAT, MANTEIGE
et les 2.800 livres à rembourser aux marchands pour
les sieurs DEGANS, COUSIN, et JOBERT
frères.
Les
habitants durent payer en outre des tailles
supplémentaires, tant à Monsieur de BIRAGUES
commandant de MARINGUES, qu'à Monsieur de LEVISTON
qu'il avait établi commandant d'AIGUEPERSE avec une
compagnie de 40 cuirassiers et 20 arquebusiers. Cette
garnison séjourna du 29 janvier au 18 mai 1592,
vivant sur l'habitant. Pendant 4 mois le sieur de LEVISTON
fit abattre par ses soldats, les clochers et pinacles des
églises, sous prétexte qu'ils servaient
à la défense. (la Cure située quartier
du bourg et joignant le cimetière fut ainsi
démolie par hostilité de guerre, une grande
galerie de bois détruite, les planchers
arrachés, les meubles enlevés, ce qui la
rendait inhabitable).
LES
DETTES D'AIGUEPERSE.
La
ville ravagée et pillée, fut plongée
dans une extrême misère. Beaucoup de gens
succombèrent, d'autres abandonnèrent leurs
habitations, de telle sorte que sur 300 chefs de maison, il
n'en resta que 80. De plus, la ville était
accablée de dettes pour rembourser les sommes
empruntées. Elle présenta une requête au
roi Henri IV. Celui-ci ordonna une enquête pour
procéder à la vérification des faits
énumérés par les habitants, et à
la description des ruines et démolition de la
ville.
Claude
ROCHEFORT, élu à GANNAT, reçut la
déposition de 12 témoins :
- Charles
de MARILLAC, seigneur de la Mothe, paroisse de
DENONE,
- François
OGIER, greffier au bailliage d'ARTONNE,
- Gilbert
CHERMARTIN dit le CROT escuyer, seigneur de la
MOUTADE,
- Gilbert
DOUTRE prêtre, demeurant à
VILLEMONT,
- DOM
Jacques de VENY prieur de l'abbaye de RIS, chantre
d'ARTHONNE,
- Pierre
CHAVANET vicaire de THURET,
- Louis
de BONNEVIE seigneur de PAUGNAT,
- Michel
de l'HOPITAL écuyer, seigneur de la ROCHE,
(
1 )
- Claude
MILLET natif de VICHY,
- François
MATHIEU et Jean BERTRAND bourgeois de
GANNAT,
- Jean
CHAPUT d'ARTHONNE.
Ces
témoins déposèrent sous serment les
faits rapportés (9 octobre 1592).
(Bertrand
dit que des gens d'AIGUEPERSE étaient venus
jusqu'à GANNAT mendier leur pain).
LES
REMISES DE TAILLES.
Le
roi Henri IV par lettres patentes du 4 février 1597
exempta les habitants du restant des tailles de 1589
à 1596 et créa 4 foires supplémentaires
à s'ajouter aux 4 premières établies
depuis longtemps
-
la première, le jour de la Saint Bonnet en
janvier,
- la deuxième, le mardi après les
Rameaux,
- la troisième, le jour de la saint Eloy, le 25
juin,
- la quatrième, le lendemain de Toussaint, jour
des morts.
Chaque
foire durant 2 jours entiers.
Le 28
février 1597, Henri de BOURBON, duc de MONTPENSIER
écrivit aussi aux habitants d'AIGUEPERSE pour leur
faire remise de ce qu'ils lui devaient.
Les
sommes que devaient la ville d'AIGUEPERSE à ses
créanciers étaient considérables.
Un arrêt du conseil d'État du 27 février
1628 porte que la ville d'AIGUEPERSE pour se conserver en
l'obéissance de sa majesté pendant les
dernières guerres civiles, a dû emprunter la
somme de 72.000 livres, somme que le roi, par lettres
patentes de 1594, a permis de lever sur la Basse Auvergne,
ce qui n'a pu être réalisé en partie
qu'après vérification. Il restait 44.779
livres, 13 sous, 1 denier à faire imposer sur tous
les habitants de la ville, arrêt du Conseil du 14
juillet. Mais après avoir constaté que la
pauvreté et la misère des habitants augmente
tous les jours à cause des poursuites que font les
créanciers, le Conseil ordonne que pour régler
la somme de 35.779 livres 13 sous, à devoir, il sera
levé et imposé l'an prochain, 20.000 livres
sur le bas pays d'Auvergne, le reste, à savoir,
15.779 livres sera payé par les habitants
d'AIGUEPERSE. Cette somme sera prise sur les deniers
d'octroi. (le roi permit à la ville de percevoir 10
sols sur chaque poinçon de vin entrant dans le bourg,
le droit de contrepointe et apetissement des
mesures).
Quelques
créances :
- 9
janvier 1592 : Obligation de 700 écus d'or
consenti par les habitants d'AIGUEPERSE au profit de
Monsieur de SAINT AGOULIN.
- le 12
janvier 1592 : Obligation consenti par Claude COUSIN,
Martin AGIER, Olivier JOBERT, Vincent DEGANS, au profit
de Monsieur de CHAUVIGNY de BLOT, Seigneur de SAINT
AGOULIN.
- En
1626 : procès entre les Consuls et Monsieur de
CHAUVIGNY de BLOT, créancier de la ville de la
somme de 900 livres.
Conclusion
: La ville d'AIGUEPERSE sortait très affaiblie de sa
fidélité au Roi. Elle avait subi les exactions
et violences des partis tant ligueurs que royalistes.
Quarante années lui avaient été
nécessaires pour régler ses
dettes.
A.
PERRIN
-------------------------------------------------------
NOTES :
(1)
: Il s'agit du neveu du Chancelier, qui par
révérence pour ce dernier porte son
prénom.
2
: On trouve dans les archives trois lettres du Roi Henry IV
: l'une de PARIS du 23 may 1597, relative aux 13 bonnes
villes d'Auvergne. La seconde de PARIS du 21 may 1597,
demandant aux Consuls d'obéir aux ordres du Sieur de
CANILLAC. La troisième d'AMIENS du 20 juillet 1597,
mande la vile d'obéir au Maréchal de la
CHASTRE, pour s'opposer au Sieur de LEVISTON, qui tient
retraite au château et ville de MONTAIGUT. Ces lettres
sont signées : Henry, avec le sceau.
3
: Une quatrième lettre du Roi est conservée
aux Archives Municipales. Datée du 23 janvier 1599,
non signée de la main même du Roi comme les
précédentes, elle montre les
difficultés qu'éprouvent les Aiguepersois
à faire appliquer les mesures Royales prises en leur
faveur. Ici, cette lettre s'adresse au
Sénéchal d'Auvergne afin que soient
appliquées les décisions prises
précédemment sur la mise en place de foires
nouvelles à AIGUEPERSE, sur lesquelles, l'Etat ne
persevra pas de taxes, afin que la ville rétablisse
son équilibre financier.
*
impétration : terme juridique décrivant une
action par laquelle on obtient une grâce ou un
bénéfice.
Document
conservé aux archives municipales d'Aigueperse
:
"Henry,
par la grâce de Dieu, Roy de France et de
Navarre, au Sénéchal d'Auvergne ou
son Lieutenant Salut. Tout ce que pourrez faire
difficultés, procède à la
vérification des lettres de foire
cy-attaché sous contrescel de notre
Chancellerie par nous octroyer aux Consuls, manants
et habitants de la ville d'AIGUEPERSE au mois de
mars 1595, pour ce quelles sont surannées et
ne vous ont été présenter dans
l'année de l'impétration* et
cellées.
Qu'il
ne nous estois expréssément mander
par nos lettres que les dits suppliants nous ont
très humblement fait supplice et requoire
leur octroyer.
A
ces causes, nous vous mandons et enjoignons par ces
présentes que sans vous arrestez à
ladite surannation des dits lettres vous
procédez à la vérification
d'icelles et de leur contenu en faict et peu faire
si elle vous eussent esté
présentéx dans l'année de la
dite impétration que nous les avons relevez
et relevons par cette
présente.
Car
tel est notre plaisir, donné à COUCY,
le XXIIIème jour de janvier l'an
de grâce 1599, et de notre règne le
huitième"
|
SOURCES :
- Archives Municipales : M.B. CULHAT
- L'Auvergne : Abraham SEMONSOUS
|
|
Les malheurs d'Aigueperse <<<
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