Les malheurs d'Aigueperse
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PENDANT LES GUERRES DE LA LIGUE 1589-1592 (suite)

Le château de VENSAT fut surpris par le Capitaine CHANOT et tomba aux mains des ligueurs. AIGUEPERSE demanda du secours aux Seigneurs voisins pour reprendre ce fort. Aussitôt Messieurs de CHAPPES, de SAINT HYLAIRE, de BRISSAC, de BRAGUES et autres Capitaines vinrent avec 600 hommes pour aider les habitants d'AIGUEPERSE. Le château fut surpris ; cette expédition coûta 1200 livres à la ville.

Après cette entreprise, Monsieur d'EFFIAT partit pour aller au camp de son Altesse le Comte d'Auvergne. Monsieur de CHAPPES vint reprendre le commandement d'AIGUEPERSE.

Par lettre du 27 septembre 1591, Charles de VALOIS écrivit aux Consuls :
"L'ennemy approche, je suis très assuré qu'il va s'emparer de votre ville et du château de MONTPENSIER. Je vous envoie Monsieur de CHAPPES avec sa compagnie pour vous défendre ; j'ai ordonné son entretien avec les deniers de sa Majesté, vous ne fournirez que le logis, ce qui ne sera que pour peu de temps".

Monsieur de CHAPPES amena avec lui une compagnie de 100 arquebusiers et 60 cuirassiers et mit tout en œuvre pour fortifier la ville ; il fit nettoyer les fossés, dresser un éperon à la porte des Bouchiers (de saint Nicolas ), abattit quelques granges, colombiers, vergers, jardins, d'un revenu de 1.200 livres pour établir une esplanade depuis le pré de Monsieur de MONTPENSIER jusqu'au Buron traversant la ville au quartier de la Chaussade.

Bientôt après, Monsieur de CHAPPES fut appelé à CLERMONT. Le Comte d'Auvergne écrivit à ce sujet, le 24 octobre 1591, une nouvelle lettre aux consuls où "il leur mande qu'il a retenu Monsieur de CHAPPES pour 3 jours à cause des vendanges et qu'il le renverra au plus tôt. Il leur ordonna de faire ce qui sera nécessaire pour leurs fortifications et d'avancer leurs vendanges". Monsieur de CHAPPES en partant d'AIGUEPERSE, n'y avait laissé qu'une garnison de 20 arquebusiers.

PRISE D'AIGUEPERSE PAR LE DUC DE NEMOURS, CHEF DE LA LIGUE.

En ce temps là, arrivait en Auvergne à la tête d'une grosse armée un des plus fameux chefs de la Ligue qui aspirait, dit-on, au royaume de France, Charles Emmanuel 1er de SAVOIE, duc de GENEVOIS et de NEMOURS. Il s'était installé à VIC LE COMTE qu'il venait de prendre par force. Dès qu'il fut informé de la retraite de Monsieur de CHAPPES et de la faible garnison qui restait dans la ville, il envoya des troupes investir AIGUEPERSE. Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1591, le duc de NEMOURS se présenta devant la ville avec son artillerie pour l'assiéger, si elle ne se rendait. Les habitants, après avoir pris avis des gens de guerre qui restaient dans la ville, envoyèrent à ce prince des députés pour traiter avec lui. Les articles de la Capitulation signifiaient. que le duc de NEMOURS n'entrerait pas dans la ville, qu'il passerait outre sans y faire aucun acte d'hostilité et sans y laisser de garnison, à condition que la ville lui fournisse la somme de 6.000 livres.

Sur ces conventions, le duc de NEMOURS quitte AIGUEPERSE et va s'emparer le même jour, 28 octobre, du château de MONTPENSIER qui lui est rendu par le capitaine POULIGNAT.

Il vint coucher avec son armée dans les faubourgs d'AIGUEPERSE et les environs. Le lendemain 29, il demanda à entrer dans la ville, feignant qu'il voulait simplement la visiter et qu'il en partirait aussitôt. Il y entra en effet avec les capitaines et seigneurs de sa suite et alla loger au château de la ville. Il y séjourna 3 jours avec une partie de ses troupes qui vécurent à discrétion, commirent des pillages et des vexations de toutes sortes. Malgré ses promesses, à son départ, le duc laissa dans la ville les capitaines BARNOULLET, ROSEAU, NORMAND, BOURDENACHE, ROZAN, et BRIMANLIEN avec leur compagnie de chacune 50 arquebusiers. Il établit Monsieur ROCHEFORT D'ALLY, gouverneur de la ville avec sa compagnie de 30 cuirassiers ; il laissa également une forte garnison au château de MONTPENSIER qu'il renforça avec le régiment de la CASTILLIERE et celui de MORTILLY. Le 30 octobre, la ville députa à Monsieur d'ALLY gouverneur, quelques habitants pour le prier de contenir ses troupes. Celles-ci pendant 3 mois, se livrèrent à toutes les violences, pillèrent les habitations, incendièrent une partie des faubourgs, firent détruire les maisons les plus élevées, sous prétexte qu'elles servaient de fortifications ; ils profanèrent même les cimetières ; les sépultures furent ouvertes, les bières et les corps morts en furent exhumés pour faire des remparts et des tranchées. (dans un état des maisons de la ville qui avaient été ruinées par la garnison en 1591 et 1592, il est dit que la Maison du Collège de la ville, au quartier du Bourg, sise sur la grand'rue du côté jour, composée de chambres hautes et basses, d'une boutique et d'un grenier, a été ruinée de fond en comble, sans qu'il y soit demeuré aucune chose).

Bien que le duc eut violé sa promesse, les habitants lui payèrent la somme de 5083 livres, NEMOURS leur fit remise du reste. Il rançonne ensuite VIC LE COMTE de 2.500 écus, prend le château de RANDAN, bat une armée royale à SAINT POURCAIN, puis quitte l'Auvergne. Il y reviendra pour prendre AMBERT, tandis que son frère Saint SORLIN pille HERMENT et MANZAT.

CHAPPES se fait tuer devant LEZOUX. Le marquis d'ALLEGRE gouverneur d'ISSOIRE, attaque sans résultat les villes ligueurs de SAUXILLANGES et de SAINT GERMAIN LEMBRON, mais il est assassiné avec son amie Madame d'ESTREES.

Après l'abjuration d'Henri IV, la ville de RIOM qui subit les affres de la famine le reconnaît comme roi (avril 1594), tandis que quelques ligueurs se retranchent encore à TOURNOËL.

REPRISE D'AIGUEPERSE PAR CHARLES DE VALOIS, ROYALISTE.

La ville ne fut délivrée de l'oppression du duc de NEMOURS que pour tomber dans de nouveaux malheurs. Le comte d'Auvergne vint devant AIGUEPERSE avec 1.200 hommes pour reprendre la ville. Dans la nuit du 28 au 29 janvier 1592 il la reprit par escalade et la réduisit sans aucune résistance. Ayant fait évacuer la garnison de Monsieur d'ALLY, il y séjourna 9 jours avec ses troupes ; il défendit à ses soldats le sac et le pillage de la ville.

Aigueperse, 1592

Il ordonna aux habitants de lui fournir promptement 3.660 livres pour distribuer à ses soldats.

Les consuls ayant répondu que les habitants étaient dans l'impossibilité de fournir une telle somme, le comte fit arrêter sur le champ les principaux notables : Vincent DEGANS, Claude COUSIN, Martin AGIER, Jacques DANTHAN, Jacques CULHAT, les frères Olivier et Jacques JOBERT, Laurent MANTEIGE et les fit jeter en prison.

La ville fut à nouveau pillée, et les meubles emportés à GANNAT, MARINGUES, CLERMONT.

Les prisonniers prièrent les consuls de bien vouloir lever sur tous les habitants leur rançon.

Les consuls n'y consentirent qu'à condition qu'ils garantissent le corps commun des habitants, des sommes qu'ils paieraient pour eux (délibération du 1er février 1592).

Le comte d'Auvergne passa outre à cette requête et enleva les prisonniers qu'il distribua à ses officiers.


LIBÉRATION DES PRISONNIERS.

Il délivra Martin AGIER pour gage de 400 livres à Monsieur de SAINT HYLAIRE - Jacques DANTHAN pour gage de 400 livres à Monsieur de LEVISTON, Maître de camp, gouverneur d'AIGUEPERSE - CULHAT et MANTEIGE pour gage de 60 livres au sieur de VILLEMIN.

Il se réserva DEGANS, COUSIN, Jacques et Olivier JOBERT, pour la somme de 2.800 livres, les emmena à MARINGUES où il les délivra à des marchands qui lui comptèrent les 2.800 livres qu'il distribua à ses soldats. Les prisonniers ayant satisfait pour recouvrer leur liberté aux sommes que chacun devait payer, le comte rendit une ordonnance le 6 mars 1592 portant que la somme de 3.660 livres serait imposée sur tous les habitants taillables de la ville et prestement levée pour payer les 860 livres utiles à la délivrance des dits DANTHAN, AGIER, CULHAT, MANTEIGE et les 2.800 livres à rembourser aux marchands pour les sieurs DEGANS, COUSIN, et JOBERT frères.

Les habitants durent payer en outre des tailles supplémentaires, tant à Monsieur de BIRAGUES commandant de MARINGUES, qu'à Monsieur de LEVISTON qu'il avait établi commandant d'AIGUEPERSE avec une compagnie de 40 cuirassiers et 20 arquebusiers. Cette garnison séjourna du 29 janvier au 18 mai 1592, vivant sur l'habitant. Pendant 4 mois le sieur de LEVISTON fit abattre par ses soldats, les clochers et pinacles des églises, sous prétexte qu'ils servaient à la défense. (la Cure située quartier du bourg et joignant le cimetière fut ainsi démolie par hostilité de guerre, une grande galerie de bois détruite, les planchers arrachés, les meubles enlevés, ce qui la rendait inhabitable).

LES DETTES D'AIGUEPERSE.

La ville ravagée et pillée, fut plongée dans une extrême misère. Beaucoup de gens succombèrent, d'autres abandonnèrent leurs habitations, de telle sorte que sur 300 chefs de maison, il n'en resta que 80. De plus, la ville était accablée de dettes pour rembourser les sommes empruntées. Elle présenta une requête au roi Henri IV. Celui-ci ordonna une enquête pour procéder à la vérification des faits énumérés par les habitants, et à la description des ruines et démolition de la ville.

Claude ROCHEFORT, élu à GANNAT, reçut la déposition de 12 témoins :

  • Charles de MARILLAC, seigneur de la Mothe, paroisse de DENONE,
  • François OGIER, greffier au bailliage d'ARTONNE,
  • Gilbert CHERMARTIN dit le CROT escuyer, seigneur de la MOUTADE,
  • Gilbert DOUTRE prêtre, demeurant à VILLEMONT,
  • DOM Jacques de VENY prieur de l'abbaye de RIS, chantre d'ARTHONNE,
  • Pierre CHAVANET vicaire de THURET,
  • Louis de BONNEVIE seigneur de PAUGNAT,
  • Michel de l'HOPITAL écuyer, seigneur de la ROCHE, ( 1 )
  • Claude MILLET natif de VICHY,
  • François MATHIEU et Jean BERTRAND bourgeois de GANNAT,
  • Jean CHAPUT d'ARTHONNE.

Ces témoins déposèrent sous serment les faits rapportés (9 octobre 1592).

(Bertrand dit que des gens d'AIGUEPERSE étaient venus jusqu'à GANNAT mendier leur pain).

LES REMISES DE TAILLES.

Le roi Henri IV par lettres patentes du 4 février 1597 exempta les habitants du restant des tailles de 1589 à 1596 et créa 4 foires supplémentaires à s'ajouter aux 4 premières établies depuis longtemps

- la première, le jour de la Saint Bonnet en janvier,
- la deuxième, le mardi après les Rameaux,
- la troisième, le jour de la saint Eloy, le 25 juin,
- la quatrième, le lendemain de Toussaint, jour des morts.

Chaque foire durant 2 jours entiers.

Le 28 février 1597, Henri de BOURBON, duc de MONTPENSIER écrivit aussi aux habitants d'AIGUEPERSE pour leur faire remise de ce qu'ils lui devaient.

Les sommes que devaient la ville d'AIGUEPERSE à ses créanciers étaient considérables.
Un arrêt du conseil d'État du 27 février 1628 porte que la ville d'AIGUEPERSE pour se conserver en l'obéissance de sa majesté pendant les dernières guerres civiles, a dû emprunter la somme de 72.000 livres, somme que le roi, par lettres patentes de 1594, a permis de lever sur la Basse Auvergne, ce qui n'a pu être réalisé en partie qu'après vérification. Il restait 44.779 livres, 13 sous, 1 denier à faire imposer sur tous les habitants de la ville, arrêt du Conseil du 14 juillet. Mais après avoir constaté que la pauvreté et la misère des habitants augmente tous les jours à cause des poursuites que font les créanciers, le Conseil ordonne que pour régler la somme de 35.779 livres 13 sous, à devoir, il sera levé et imposé l'an prochain, 20.000 livres sur le bas pays d'Auvergne, le reste, à savoir, 15.779 livres sera payé par les habitants d'AIGUEPERSE. Cette somme sera prise sur les deniers d'octroi. (le roi permit à la ville de percevoir 10 sols sur chaque poinçon de vin entrant dans le bourg, le droit de contrepointe et apetissement des mesures).

Quelques créances :

  • 9 janvier 1592 : Obligation de 700 écus d'or consenti par les habitants d'AIGUEPERSE au profit de Monsieur de SAINT AGOULIN.
  • le 12 janvier 1592 : Obligation consenti par Claude COUSIN, Martin AGIER, Olivier JOBERT, Vincent DEGANS, au profit de Monsieur de CHAUVIGNY de BLOT, Seigneur de SAINT AGOULIN.
  • En 1626 : procès entre les Consuls et Monsieur de CHAUVIGNY de BLOT, créancier de la ville de la somme de 900 livres.

Conclusion : La ville d'AIGUEPERSE sortait très affaiblie de sa fidélité au Roi. Elle avait subi les exactions et violences des partis tant ligueurs que royalistes. Quarante années lui avaient été nécessaires pour régler ses dettes.

A. PERRIN
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NOTES :

(1) : Il s'agit du neveu du Chancelier, qui par révérence pour ce dernier porte son prénom.

2 : On trouve dans les archives trois lettres du Roi Henry IV : l'une de PARIS du 23 may 1597, relative aux 13 bonnes villes d'Auvergne. La seconde de PARIS du 21 may 1597, demandant aux Consuls d'obéir aux ordres du Sieur de CANILLAC. La troisième d'AMIENS du 20 juillet 1597, mande la vile d'obéir au Maréchal de la CHASTRE, pour s'opposer au Sieur de LEVISTON, qui tient retraite au château et ville de MONTAIGUT. Ces lettres sont signées : Henry, avec le sceau.

3 : Une quatrième lettre du Roi est conservée aux Archives Municipales. Datée du 23 janvier 1599, non signée de la main même du Roi comme les précédentes, elle montre les difficultés qu'éprouvent les Aiguepersois à faire appliquer les mesures Royales prises en leur faveur. Ici, cette lettre s'adresse au Sénéchal d'Auvergne afin que soient appliquées les décisions prises précédemment sur la mise en place de foires nouvelles à AIGUEPERSE, sur lesquelles, l'Etat ne persevra pas de taxes, afin que la ville rétablisse son équilibre financier.

* impétration : terme juridique décrivant une action par laquelle on obtient une grâce ou un bénéfice.

plumeDocument conservé aux archives municipales d'Aigueperse :

"Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, au Sénéchal d'Auvergne ou son Lieutenant Salut. Tout ce que pourrez faire difficultés, procède à la vérification des lettres de foire cy-attaché sous contrescel de notre Chancellerie par nous octroyer aux Consuls, manants et habitants de la ville d'AIGUEPERSE au mois de mars 1595, pour ce quelles sont surannées et ne vous ont été présenter dans l'année de l'impétration* et cellées.

Qu'il ne nous estois expréssément mander par nos lettres que les dits suppliants nous ont très humblement fait supplice et requoire leur octroyer.

A ces causes, nous vous mandons et enjoignons par ces présentes que sans vous arrestez à ladite surannation des dits lettres vous procédez à la vérification d'icelles et de leur contenu en faict et peu faire si elle vous eussent esté présentéx dans l'année de la dite impétration que nous les avons relevez et relevons par cette présente.

Car tel est notre plaisir, donné à COUCY, le XXIIIème jour de janvier l'an de grâce 1599, et de notre règne le huitième"

SOURCES :
- Archives Municipales : M.B. CULHAT
- L'Auvergne : Abraham SEMONSOUS


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Source : "SPARSAE n°11 - mars 1987" Association Culturelle d'Aigueperse


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