Le
docteur Marcel Paul
Lacour
est né à Celles-sur-Durolle,
dans la région de Thiers, le 3
Avril 1906.
Ses études terminées
à la faculté de
Médecine de Clermont-Ferrand, il
vient sinstaller à Aigueperse
en 1933, après son mariage, le 13
août 1931, avec Marguerite Camille
Marthe Labonne, pharmacienne, dont le
père, M. Labonne, était
receveur de lenregistrement en cette
ville.
Sous-lieutenant pendant son service
militaire, il avait été
nommé lieutenant de réserve
après mobilisation à
Caluire, dans le Rhône.
|
LHOMME
Dun
abord facile, agréable, il était
affable avec ses clients ; toujours courtois, il
savait capter la confiance par son savoir et sa
simplicité. Aimant son métier,
dune grande bienveillance avec ses malades,
il sétait établi une solide
réputation.
Il a su ainsi sattirer la sympathie de la
population, qui le désigna comme conseiller
municipal dAigueperse en 1935, puis, sa
popularité et lestime que lui
portaient les gens aidant, il fut élu
conseiller général du canton le 10
octobre 1937.
Il sintéressa très tôt
à la vie associative et devint
président de la société de
gymnastique "Lespérance
dAigueperse".
Parmi les joueurs encore existants, je citerai
Jean Bérioux, qui fut la cheville
ouvrière de l'équipe ; mon conscrit
et camarade André Martin ;
Dédé Aurier dont le
frère Maurice, soldat dans les
Troupes françaises de l'intérieur,
fut tué par les Allemands au col du
Béal, près du Brugeron, le 22
août 1944, à l'âge de dix-neuf
ans ("mort pour la France") ; Raymond
Barnabé ; Ernest Gérantes,
dont la mère tenait une boutique de lainages
dans le quartier du Bourg et dont le frère
Marcel, né en 1914, est "mort pour la
France" en martyr, massacré par les
Allemands à Portet le 3 juillet 1944 ;
Jean Marvel, Lulu Gombert et
moi-même ; les autres venaient des
environs. J'aurai une pensée émue
pour notre camarade et ami Antoine Fredix,
fils des concierges de la mairie,
déporté en Allemagne et tué au
camp de Melk-Mathausen, "mort pour la France" le 8
juillet 1944 (1).
LE
RÉSISTANT
Le docteur Lacour entra dans la
Résistance active en 1943, année de
création à Aigueperse dun
réseau de Forces Françaises de
lIntérieur du mouvement Combat, ayant
comme responsable René Favier, le
commandant "Montpensier'. Son certificat
dappartenance au F.F.I. porte le n°
13780.
Le lieutenant Lacour, sous le pseudonyme de
"Maurice" entra aussitôt en relations avec le
commandant Robin. ll avait un double
rôle, celui de passeur pour soustraire au
S.T.O. les jeunes qui avaient été
requis, grâce à une filière
médicale qui s'était
constituée. Son autre rôle, non moins
important, était celui du camouflage des
armes pour les besoins du maquis.
Son activité de médecin lui
permettait de se déplacer aisément en
moto ; il pouvait ainsi prendre des contacts avec
les résistants des communes voisines qui
acceptaient le risque de "planquer" les armes. ll
lui fallait trouver des "caches" aussi
variées et sûres que possible.
Le mot d'ordre dans la Résistance
était le silence et la discrétion. ll
fallait passer inaperçu le plus possible,
savoir se faire oublier et avoir toujours une
couverture. Celle de médecin permettait au
lieutenant Lacour ces déplacements si
utiles parce que discrets, pour les besoins des
résistants.
ll
a accompli noblement sa tâche dans le
silence, avec courage, et est mort en service
commandé :
"Ami,
si tu tombes
Un ami sort de l'ombre
Prend ta place" (Chant des
partisans)
C'est
pour accomplir la mission dont René
Favier l'avait investi et lui avait
donné la responsabilité totale qu'il
va y laisser la vie.
La Résistance regroupait des patriotes qui
agissaient bravement, sans crainte, parfois
jusqu'au sacrifice.
Un officier replié à Aigueperse, le
capitaine Volatier, ayant des armes
militaires appartenant à l'intendance et
qu'il désirait camoufler, prit contact
à ce sujet avec Henri Gourdier, chef
régional de la Résistance à
Riom. Ce dernier lui donna l'ordre verbal de
s'entendre avec le docteur Lacour, du groupe
de Résistance d'Aigueperse, afin de convenir
avec ce dernier d'une cache sûre, permettant
une récupération rapide des armes en
cas de besoin.
Cet officier rencontra le 1er mai 1944 vers midi,
sur la route de Montpensier, le docteur
Lacour, et lui fit part des ordres
reçus. Le docteur, pressé par une
visite, lui donna rendez-vous le soir même
à 18 heures, dans la côte du
château de La Roche, après Chaptuzat,
pour trouver une solution au camouflage des dites
armes et munitions, afin d'exécuter les
ordres.
Le
soir, le lieutenant Lacour étant en
retard, l'officier crut que le rendez-vous
était différé et revint sur
Aigueperse. Malheureusement, dans un tournant
étroit et difficile à Tressat,
l'officier vit arriver trop tard le docteur, il
voulut lui faire signe, dérapa avec sa,
bicyclette, et la moto du docteur Lacour
vint le percuter de plein fouet. Le choc fut
violent, l'officier s'en tira avec quelques
fractures ; quant au docteur, atteint d'une
fracture du crâne, on le transporta à
la clinique du chirurgien Paziaud à
Riom. ll devait décéder quelques
jours plus tard, le 4 mai 1944, ramené
à son domicile d'Aigueperse. Voilà
comment il trouva la mort en service
commandé.
Ci-joint deux attestations de résistants
:
"Je,
soussigné J.
Langloile, dit "Jo", demeurant
à Riom, 5 boulevard Desaix, ex-lieutenant
F.F.I. du groupe franc de Pognat (groupe Fox),
certifie avoir été présent
en avril 1944 à Riom, à une
liaison entre Henri
Gourdîer, chef régional
de la Résistance à Riom et le
capitaine Volatier, dit
"Jean", liaison au cours de laquelle le
capitaine Volatier
reçut d'Henri
Gourdîer l'ordre verbal de
contacter le docteur Lacour
à Aigueperse pour effectuer, selon les
indications de ce dernier, un camouflage d'armes
à Aigueperse.
Riom, le 20 janvier 1946. Signé :
Langloile. Signature
légalisée à Riom le 29
janvier".
"Je,
soussigné Henri
Gourdier, demeurant à Riom, 52
rue du commerce, ex-chef de la Résistance
à Riom, atteste avoir eu connaissance par
le capitaine Volatier,
alias "Jean", des projets de camouflage d'armes
et de munitions de guerre formés par le
groupe de Résistance d'Aigueperse en
avril 1944. C'est selon les indications verbales
qui lui furent données par mes soins
à cette époque que le capitaine
Volatier prit contact avec
le docteur Lacour
d'Aigueperse, au sujet de ce camouflage à
l'exécution duquel le docteur
Lacour trouva
accidentellement la mort le 1er mai 1944, et
où le capitaine
Volatier fut très
grièvement blessé. Fait à
Riom le 1er juillet 1945. Signé :
Gourdier."
Le
capitaine Volatier, tenu au secret, ne put
rien révéler à ses
supérieurs des motifs de ses blessures, ni
pourquoi il se trouvait à cette heure sur la
route de Chaptuzat, sous peine de faire tomber tout
le réseau de Résistance. Seuls furent
au courant le chef régional Gourdier
et le responsable d'Aigueperse René
Favier. Guéri, le capitaine
Volatier jugea utile de prendre le
maquis.
Ce n'est qu'après la libération que
ces faits furent connus et confirmés.
Le 8 mai 1944, la Milice et la Gestapo de Clermont
procédèrent à une rafle
monstre à Aigueperse : 21 résistants
furent arrêtés et
déportés ; deux seulement devaient
revenir vivants d'Allemagne, après
l'armistice de 1945.
Lors de cette rafle, la Gestapo se présenta
au domicile du docteur Lacour pour
l'arrêter. Après vérification
de l'acte de décès en mairie, Madame
Lacour dut conduire la horde sur la tombe de son
époux. Ils procédèrent encore
à une vérification à la
clinique de Riom. Le commandant Robin,
aveugle, ne fut pas arrêté.
René Favier dut son salut à la
fuite par les boulevards.
Comment expliquer cette rafle, sinon par le fait
que le réseau dut être noyauté
par un indicateur ; même des bavardages
malheureux n'auraient pu révéler tous
les noms et adresses des résistants, dont
ceux d'Artonne.
Aigueperse fut libéré le 29
août 1944.
Sur le registre des délibérations du
comité cantonal de libération, que
m'a remis Eugène Royet, on
relève (séance du 28 septembre 1944)
:
"Membres
présents : M. le colonel
Robin, MM.
Grataloup,
Batisse,
Douvisy,
Lavadoux,
Jobert,
Freydefont,
Chemirat. Secrétaire
: Marc Royet.
Absent : M. Vaysse.
Le comité adresse ses meilleurs vux
de guérison à M.
Favier qui venait
d'être blessé. ll propose pour
citation à l'ordre de la nation M. le
docteur Lacour, à
titre posthume".
Dans
Le Petit aiguepersois, n° 8 du 1er
septembre 1946 (2),
lors de la cérémonie du 18 août
1946 au cimetière, pour honorer les "morts
pour la France", en présence de Pierre
Besset, député, et de
René Favier, maire, une minute de
recueillement fut observée sur le tombeau du
docteur Lacour.
Enfin, en marge de l'acte de décès du
docteur Marcel Paul Lacour, le 4 mai 1944,
au n° 32 du registre d'état-civil de la
mairie, on lit mention suivante :
"Mort
pour la France"
"Décision
de Monsieur le ministre des Anciens combattants
et Victimes de ta guerre en date du 20 novembre
1956, le dénommé
Lacour étant
sous-lieutenant dans la Résistance
intérieure française. Mention
additive ordonnée par décision de
Monsieur le ministre des Anciens combattants, en
date du 20 mai 1957".
Lors
d'une entrevue avec Ernest Gerantes,
horloger à Champeix
(3),
celui-ci m'a indiqué que pour
échapper au S.T.O. alors qu'il était
requis, Charles Douvisy lui conseilla
d'aller voir M. Lacour. Le docteur le
dirigea chez un de ses collègues de la rue
Sainte-Rose à Clermont, qui le fit affecter
dans un service hospitalier de l'Hôtel-Dieu.
Plus tard , il prendra le maquis en
Haute-Loire.
Il m'indiqua également que, lors de la rafle
d'Aigueperse, le lundi 8 mai 1944, alors qu'il se
rendait à la gare pour prendre le train du
matin, en passant devant la gendarmerie, il
reconnut le sinistre Vernière qu'il
avait vu aux Chantiers de jeunesse. ll se rendit
compte que la Milice et la Gestapo arrêtaient
un gendarme (le gendarme Jean
Veyssières, "mort pour la France"
à Neuengamen, en Allemagne). Arrivé
à la gare, il prévint Jules
Bernard des faits, que s'il appartenait
à la Résistance, il fallait qu'il se
sauve tout de suite. Jules Bernard ne voulut
pas laisser sa femme et son fils.
Arrêté et déporté, il
est décédé à Bremen, en
Allemagne, le 10 janvier 1945 ("mort pour la
France").
C'est après la libération que
Charles Douvisy et René
Favier, alors maire d'Aigueperse,
confirmèrent à Ernest Gerantes
le rôle si efficace, celui d'un vrai
résistant et patriote, joué par le
docteur Lacour sous le pseudonyme de
lieutenant Maurice.
Voilà tout ce que j'ai pu connaître de
ce grand et authentique résistant, homme de
devoir et j'ai cru utile de le
révéler à la population
d'Aigueperse : "Gloire à ceux qui sont
morts pour elle" (Victor Hugo).
Sur le monument érigé en l'honneur
des morts de la Seconde guerre mondiale,
inauguré le 30 novembre 1947, on ne
relève pas le nom du docteur Lacour.
C'est une regrettable erreur que la
municipalité actuelle doit se faire un
devoir de réparer pour la mémoire de
ce valeureux résistant et pour la gloire de
toute la Résistance.
A. PERRIN, août 1988
-----------------------------------------
(1)
J'ai fourni une documentation
détaillée à M. Guittard,
photographe, qui désire écrire Le
football à Aîgueperse.
(2)
Ce journal commence à paraître le 1er
février 1946.
(3)
Ernest Gerantes nous a quitté il y a
quelques jours. ll a été
inhumé au cimetière de
Champeix.
Source : "SPARSAE n° 15"
Association Culturelle d'Aigueperse
|