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Lorsqu'on
arrive à Aigueperse, la route descend dans une
espèce de cuvette allongée, qui
s'élargit à l'Est et au fond de laquelle coule
le Buron, petit cours d'eau qui prend sa source à
Chaptuzat et va se jeter dans l'Allier.
Jadis,
les eaux de ruissellement qui suintaient en quantité
importante des collines avoisinantes, devaient stagner
autour du bourg pour former des mares, d'où les noms
successifs donnés à la ville : Aqua Sparsa
(1016-1150-1258-1286-1475), Villa quae Aqua Sparsa dicitur
(1059-1107), Aigua Esparssa - Esguiparsa (1307-1408),
Aiguesperce (décembre 1402), Ayguiperse (1772),
Aygueparce (1773), Quiparse en patois. Mais la forme la plus
utilisée est Aquae Sparsae, ce qui signifie eaux
répandues, eaux éparses.
On
trouve également le nom de Aqua Cerulae dans le
Pouillé des Maladreries de Saint Lazare, ce qui veut
dire eaux bleuâtres, eaux perses. Il s'agit là
d'une forme latine refaite sur la prononciation, par les
clercs du Moyen-Age.
Aigueperse
(voir
plan 1792-1812),
le bourg des étangs, devait avoir peu d'importance
jusqu'à ce que les drainages successifs aient fait
disparaître marais et marécages.
On
commence à parler d'Aqua Sparsa en 1016, lorsque Guy
II, Vicomte de Thiers, donne au Chapitre Saint Genès
de Thiers, l'église d'Aigueperse et les cens qu'il
avait le droit de percevoir sur les maisons et hôtels
du quartier du bourg. On ne sait rien sur la Chapelle du
Rosaire qui existait alors.
Le
bourg était limité par deux portes
:
- la
Porte du Bourg, à hauteur de la
Mairie,
- et la
Porte Fontaine qui devait se situer vers le
Buron.
Aigueperse
a pris de l'importance assez tard, vers le
XIVème siècle, lorsque les
Ventadour, victimes de leurs exactions, seront
dépouillés de la Comté de Montpensier
et de la Seigneurie d'Aigueperse par le roi Charles V qui en
fera concession à son frère Jean, duc de Berry
et d'Auvergne.
C'est
en janvier 1374 que le duc de Berry confirmera les
privilèges de la Ville.
Celle-ci
s'étant agrandie au Nord par la Ville Neuve et par le
quartier de la Chaussade au Midi, Jean de Berry fit
construire, après le départ des Anglais, une
nouvelle ceinture de remparts percés de portes pour
protéger la Ville contre les incursions ennemies.
LES PRINCIPALES PORTES
:
- au
Nord : la Porte des Oulles (des Brebis) appelée
aussi Porte de la Ville Neuve, fut construite dès
1396, en avant de celle du bourg. On relève une
série de douze quittances pour réparation
de la dite porte, du pont volant y attenant, de la
chambrette et du corps de garde, en particulier en 1429,
pour la construction des barrières et en 1509,
pour l'achat de planches de sapin nécessaires
à sa réfection.
En
1677, on parle d'une Champre sur le Pont de la Porte des
Oulles. (Cette porte se situait à hauteur de
l'étude de Maître de la Codre).
- à
l'Ouest, on trouve successivement :
- - la
Porte des Bufs, dite aussi Porte Poterne (1410)
près du Cimetière de la Magdeleine ; elle
permettait d'aller au Pré Bailly
(côté Nord du foirail).
En 1458, il est fait mention d'une Tour appartenant
à la ville, près de la Porte des
Bufs, rue aux Chèneboux.
- - la
Porte des Chèvres (1410), près de la Maison
Melut, route de Chaptuzat. De 1526 jusqu'à 1626,
on dénombre 22 quittances relatives à sa
réparation. L'une de 1588 fait mention de sommes
payées par les Consuls "pour la main d'uvre,
les pierres de taille, la chaux, le sable et autres
matériaux employés pour sa reconstruction
à neuf avec la chambre et le pont y
attenant".
- -
entre les deux, la Porte Prison percée dans le mur
d'enceinte en 1456, ne correspondait pas à une
voie très importante (rue de l'Hôpital). Les
Consuls y firent construire un pont dormant sur deux
piliers reposant dans les fossés. Le 12 avril
1456, un litige oppose le Seigneur Louis de Bourbon aux
habitants d'Aigueperse. Il déclare "qu'il est en
droit et possession de la Tour Prisonnière, dite
de Monseigneur, et du jardin attenant, situés dans
le bourg de la Ville, du côté huit,
près de la Porte Prison, nouvellement
percée et où il est en droit de mettre des
prisonniers. Les Consuls soutiennent que la tour
appartient à la ville et que si le Seigneur y
tient des prisonniers, c'est de leur consentement et pour
la commodité des officiers qui autrefois devaient
conduire les malfaiteurs au château Montpensier,
distant d'un quart de lieue.
La
Porte Prison sera réparée en 1539.
En
1572, on relève une quittance de trois livres, trois
sous, six deniers, payée par les Consuls "pour ferrer
la dite porte de bandes, gonds, crampons, serrures et
clous."
En
1396, il était déjà question d'une
Porte Prison.
- à
l'Est : la Porte Saint Nicolas dite aussi Porte des
Bouchiers protégeait la ville du côté
de Randan.
De 1535 à 1643, dix quittances font mention de
réparations à la Porte Saint Nicolas, au
pont levis, à l'abreuvoir et aux
murailles.
- derrière
I'église, la Porte Saint Quintien dite de la
Mélaude ou Milande avec son pont attenant,
était protégée par la Tour
Naudras.
"Par
transaction du 1er septembre 1443, les chanoines
du Collège d'Aigueperse s'engagent à faire les
réparations, tant aux murailles qu'aux fossés,
depuis la Tour qui est derrière l'hôtel de Jean
Rigolet et Agnès, sa sur, et de Obry Attour,
fils d'Agnès, en laquelle tour, il y a un colombier,
jusqu'à l'hôtel de Michel et Durant Forgeret
frères, au coin duquel hôtel ils seront tenus
de faire une tour ronde à chaux et à sable, et
sur les dites tours et murailles, des guérites,
créneaux canonnières et autres choses
nécessaires pour la défense la dite ville,
faire un escalier de pierre à l'endroit de la porte
Naudras ; seront tenus, les Sieurs de la dite église
d'avoir artillerie et armes pour la défense des dites
tours et murailles, moyennant quoi les dits chanoines seront
quittes des réparations de fontaine, chemin, gages de
capitaine et de toutes autres choses, excepté "des
guets et gardes-portes qu'ils feront faire quand il sera
besoin comme les autres habitants".
La
Tour Naudras, réparée de nombreuses fois en
1539, 1560, fait l'objet de douze quittances jusqu'en 1636.
Elle était pourvue d'une artillerie, de couleuvrines
et d'une bombarde.
- au
Midi : la Porte Fontaine fut doublée par la Porte
de la Chaussade, (Place de la Nation).
"Le 6
juin 1407, adjudication au rabais est consentie par les
Consuls à Monsieur Jean Attour, maçon, qui
s'oblige à faire et à parachever la Tour de la
Porte de la Chaussade, laquelle a été
commencée depuis longtemps.
La
dite Tour aura huit toises de haut (environ 15 m) sans
l'avant pied, lequel sera de sept pieds de haut (environ
2,50 m). Elle sera toute carrée en dehors et en
dedans et contiendra en dedans 14 pieds carrés. Les
voûtes seront faites en rond appointé et entre
les deux voûtes, il y aura un plancher de bois garni
de degrés pour monter aux étages, et par
dessus, la terrasse. Le pan qui regarde la ville sera garni
de deux fenêtres, chacune de deux pieds de large et de
trois pieds de haut ; chaque pan aura deux créneaux,
chacun de deux pieds et demi de large et quatre pieds de
haut ; lesquels créneaux seront de pierre de taille
revêtue d'enchappement, il n'y aura des
créneaux qu'aux trois pans de la dite tour et du
côté de la ville ; les dits trois pans seront
garnis d'achenaux de pierre de taille qui conduiront les
eaux à deux gargouilles, et la dite tour sera comme
celle de la Porte des Oulles ...
Les
Consuls s'engagent à lui payer pour raison de la dite
tour, la somme de 578 livres ...
En 1496, une chambrette est aménagée au rez de
chaussée pour les gardes chargés de surveiller
la barrière.
De 1526 à 1619, on relève douze quittances
relatives à sa réparation. Le 18 juin 1536, il
est question du Guet de la Porte de la Chaussade, en 1671,
d'une chambre pour le corps de garde et en 1677, d'une
champre sur le pont de la dite porte.
La
route passait sous la porte fermée par une
barrière, un pont volant franchissait le
fossé. C'est sous cette porte que les Consuls,
revêtus de leur robe noire apportèrent le dais
au roi Charles IX, lors de la visite de la ville le 3 avril
1566, en présence de la reine mère Catherine
de Médicis et du Chancelier Michel de l'Hospital.
Une
délibération du 25 mai 1783 permet de nous
faire une idée de l'importance de la route. Elle
précise "qu'avant la démolition de la Porte de
la Chaussade, le pont était à l'entrée
de la ville de dix pieds de largeur (3,50m, environ) et
qu'après la démolition de la dite porte, il
était souhaitable de donner à la ville une
entrée d'au moins dix huit pieds de largeur (6m) et
de trente trois pieds de long (11m environ), y compris la
chaussée aux deux bouts", ce qui laisse supposer que
le fossé pouvait avoir de trois à quatre
mètres de largeur.
Dans
les archives il est fait mention de la place Gasconne,
près de la Tour du Bourg ; en 1591, on relève
des quittances pour réparations à la Tour du
Bourg et à la Tour Garnaude.
Un
compte de 1677 relate de la présence d'une tour de la
ville près de la Porte Fontaine.
On
peut ainsi se rendre compte des soins apportés
à l'entretien des fortifications qui assuraient la
sécurité des habitants quand on lit sur les
registres de 1590 à 1593, les dévastations que
subissent la ville et les faubourgs, tant du fait des
troupes ligueurs du Duc de Nemours que par l'armée
royale du Comte d'Auvergne.
Pour
avoir une idée d'une tour de l'époque, il
suffit au promeneur de regarder le haut bâtiment aux
fenêtres garnies de barreaux qui domine l'actuelle
place de la Tour.
Monsieur
le Docteur Lacour a fait restaurer également une
ancienne tour qui protégeait les murailles.
En décembre 1781, le Duc d'Orléans accorda la
permission de démolir les six portes de la ville
devenues inutiles et qui gênaient la
circulation.
Les
fossés larges et profonds qui baignaient le pied des
murailles étaient alimentés par les eaux qui
descendaient des côtes de la Mâtre, de Chante
Cocu, de la Bosse, par le ruisseau de la Barre et le Buron.
Un article de la charte donnait aux habitants le droit de
pêche dans les fossés et rases. Un compte de
1443 taxait les produits de la pêche dans les
fossés de la ville. En 1471, des tailles sont
levées par les Consuls sur les poissons
pêchés dans les fossés,depuis la Porte
de la Chaussade jusqu'à la Porte des Bouchiers.
Le
Buron avait un cours plus conséquent qu'aujourd'hui,
ses crues de printemps étaient fréquentes,
prés et jardins étaient inondés et la
route de Bens coupée. Ses eaux étaient
utilisées pour les besoins d'une tannerie qui
existait encore au début du siècle.
La
Grand'Rue le franchissait au pont aux ânes. Pour aller
de la rue du Bureau au Pont Garnichaud, un sentier longeait
son cours. Quatre quittances de 1571, 1588, 1619, 1640
furent payées pour réparer les ponts du Buron
au quartier de la Chaussade et pour refaire le pont allant
de la ville à Coreil.
De
la rue aux Chevrils au pont Garnichaud, le cours du Buron a
été entièrement recouvert en 1911 par
l'entreprise Courtinat. Les fossés, de la route de
Bens à la place derrière l'église,
avaient subi le même sort depuis longtemps. C'est la
Municipalité de Monsieur Marliac qui fit recouvrir le
reste du cours du Buron depuis le boulevard des
Valos,
et les fossés qui ceinturaient la ville au Midi.
Ces
travaux ont permis l'élargissement des boulevards et
la suppression de ces fossés de plus en plus
étroits et nauséabonds.
La
ville s'est transformée peu à peu pour devenir
une cité propre, moderne, accueillante, avec une
grand'rue commerçante très animée.
Arsène
PERRIN
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(1)
Valos, vient de Valum : rempart.
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